Familles étrangères, choisir entre expulsion ou vie à la rue

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Se présenter à la préfecture pour y accepter une « proposition d’hébergement » au centre de préparation au retour volontaire (CPAR) de Bouxwiller ou perdre son logement social actuel. Depuis février, la Cimade a vu pleuvoir ce type de convocation à l’intention de familles étrangères qu’elle accompagne administrativement à Strasbourg et Sélestat.

Les familles bénéficiaient d’un programme de logement pour « ménages à droits incomplets » mis en place par la préfecture du Bas-Rhin depuis 2015. Les CPAR accompagnent les projets de retour dans leur pays d’origine de personnes déboutées de leur droit d’asile, avec leur accord. « Les personnes convoquées sont placées devant un non-choix », s’insurge Lydie Arbogast, déléguée nationale de la Cimade en Alsace. « Soit l’expulsion imminente, soit la mise à la rue. » « Rares sont les personnes qui souhaitent repartir. Elles ont tout abandonné et leurs enfants n’ont jamais connu leur pays d’origine », prévient Marie-Odile Beis, bénévole de la Cimade à Sélestat. « Avec l’arrivée des beaux jours, nous nous demandons ce qui va advenir de ces familles logées depuis plusieurs années », s’inquiète Lydie Arbogast. Alerté par les associations, le site d’informations Rue89 Strasbourg a mis au jour que la préfecture avait demandé à ses associations délégataires de supprimer 700 places d’hébergement sur les 1 600 dédiées à son dispositif. « Ça va générer beaucoup d’angoisse et ajouter des personnes à la rue alors qu’elles s’intégraient », dénonce Marie-Odile Beis. « Cela peut provoquer des ruptures de vie », appuie Lydie Arbogast. Pour la préfecture, l’attention aux « ménages à droits incomplets » ne serait plus pertinente. Elle avait choisi d’héberger des étrangers sans titre de séjour mais avec de bonnes chances d’être régularisés à terme, notamment pour des motifs exceptionnels comme la scolarité des enfants. Mais ces perspectives s’éloignent avec les récentes mesures gouvernementales, plus restrictives et qui privilégient les titres de séjour précaires pour motif de travail. Il est déjà devenu rare à la Cimade de voir délivrer à son public des titres de séjour d’un an. Encore faut-il pouvoir travailler. Difficile de justifier de douze mois d’ancienneté dans un métier en tension. Au mieux, les personnes obtiennent des autorisations provisoires de travail renouvelables. Difficile de fidéliser un patron dans de telles conditions.

Quel conseil leur donner ?

« Humainement, c’est très dur pour les familles et pour nous qui les accompagnons. Quoi qu’elles fassent, on voit qu’elles n’arrivent pas à stabiliser leur vie. On ne sait plus quel conseil leur donner », souffle Jacqueline Steydli, bénévole à Strasbourg. « On finit par leur dire d’attendre pour faire leur demande, pour ne pas risquer un refus assorti d’une obligation de quitter le territoire. » Marie-Odile Beis rapporte le cas d’une famille présente en France depuis 14 ans et qui attend une décision d’appel quant au refus de son titre de séjour. « Le père parle français et est investi comme bénévole dans une organisation caritative. Sa promesse d’embauche dans une entreprise de transport est renouvelée régulièrement. La mère parle et écrit le français et a une promesse d’embauche dans la restauration. Les enfants sont bons élèves. L’aînée vient d’avoir 18 ans et attend un titre de séjour de droit puisqu’elle est arrivée en France avant ses 13 ans. Et malgré tout ça, le tribunal administratif a confirmé le refus de la préfecture au motif qu’ils ne seraient pas assez intégrés », reste-t-elle incrédule. Malgré leur recours en attente, la famille s’est elle aussi vue mise sous pression et enjoindre de gagner Bouxwiller. « On stigmatise ces personnes comme des “assistées” parce qu’on les oblige à l’être. Leurs raisons d’être en France sont tout à fait respectables », s’insurge le pasteur Pierre Greib, président régional de la Cimade. « Si on les régularisait, elles travailleraient, dans les métiers que les Français ne veulent pas faire, et elles trouveraient un logement. Leur intégration est possible, si on les laisse travailler. » La Cimade et ses partenaires doivent décider mi-juin de la suite de leur mobilisation.

Claire Gandanger,
journaliste

 

 

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