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Deux ans après l’horreur de l’attaque terroriste du Hamas contre des civils israéliens, le 7 octobre 2023, et le début des bombardements de Gaza, un espoir de paix est à nouveau permis. Un espoir porté depuis plusieurs années par une famille palestinienne chrétienne de la région de Bethléem à travers son projet Tente des Nations. Rencontre avec l'un de ses membres, Daoud Nassar, émissaire de la non-violence.
« Aujourd’hui, nous ne contrôlons rien : ni nos frontières, ni nos ressources, ni notre propre territoire », explique Daoud Nassar, Palestinien chrétien, membre de l’église luthérienne de Beit Jala, près de Bethléem, en Cisjordanie. « Beaucoup de gens croient que le christianisme est venu d’Europe. Ils nous demandent : quand votre famille s’est-elle convertie ? Ils ignorent que le christianisme a commencé ici, en Terre sainte », dit-il. Pourtant, les chrétiens palestiniens sont aujourd’hui une minorité fragile, menacée par l’émigration. « Notre grand problème, c’est que beaucoup de Palestiniens chrétiens voient qu’il n’y a pas d’avenir dans notre pays. » Avec calme mais fermeté, il raconte un combat qui dure depuis plus de 30 ans : la défense de 42 hectares de terres agricoles menacés de confiscation par les autorités israéliennes. Située sur une colline au sud-ouest de Bethléem, la ferme familiale se trouve aujourd’hui encerclée par un bloc de colonies israéliennes. « Nous sommes la seule famille palestinienne chrétienne dans cette zone, minorité dans la minorité », explique Daoud Nassar. Depuis 1991, leur terre a été déclarée « terre d’État » par les autorités israéliennes, première étape vers sa confiscation. Commence alors une bataille juridique interminable devant les tribunaux militaires, puis devant la Cour suprême israélienne. Chaque victoire procédurale est aussitôt annulée par de nouveaux obstacles administratifs. « Voilà 34 ans que nous sommes en procès. Nous avons des documents ottomans, britanniques, jordaniens, même israéliens. Mais le système est fait pour nous épuiser. » En parallèle, les colons multiplient les pressions : destruction de centaines d’oliviers, menaces armées, routes ouvertes illégalement sur la propriété. Daoud Nassar se souvient : « Un jour, ils ont déraciné 250 de nos arbres. Mais nous avons replanté, avec l’aide d’amis juifs européens venus dire : cet acte n’a pas été commis en notre nom. »
Garder l’espérance vivante
Face à ces agressions, la famille a choisi une autre voie. « Quand on est poussé dans un coin, il y a trois réactions normales : répondre par la violence, s’asseoir et pleurer, ou fuir. Nous avons refusé ces trois options. Nous avons choisi une quatrième voie, non-violente. » Cette philosophie repose sur quatre principes : refuser d’être victimes, refuser la haine, agir par foi chrétienne et croire en la justice. « Nous refusons d’être ennemis. »
C’est ainsi qu’est né le projet Tent of Nations – Tente des Nations, qui fait de la ferme un lieu d’accueil et de résistance pacifique. Sans eau courante ni électricité – car toute construction leur est interdite –, ils ont installé des panneaux solaires, des citernes de récupération d’eau et rénové des grottes pour en faire une chapelle ou des logements pour bénévoles. « L’idée n’est pas seulement de survivre, mais de montrer qu’une autre voie est possible, même dans une situation difficile. »
Chaque année, des camps de jeunes, des programmes pour enfants traumatisés et des ateliers pour les femmes du village voisin prennent vie sur la colline. Musique, mosaïque, théâtre, agriculture biologique : les activités visent à redonner confiance et dignité aux habitants. Avec sa famille, Daoud Nassar accueille des visiteurs et des bénévoles du monde entier. L’internationalisation de la cause est cruciale : « Nous avons besoin de présence étrangère pour protéger la ferme. Mais aussi pour que les visiteurs voient et racontent ce qu’ils ont vu. » À travers ces initiatives, Daoud Nassar et sa famille veulent incarner l’espérance. « La violence appelle la violence. Mais si nous transformons la douleur en action constructive, nous gardons l’espérance vivante. Même si la route est longue, nous croyons que la justice finira par prévaloir. »
Le rêve de Daoud Nassar ? Faire de la ferme un centre éducatif et écologique, tourné vers l’énergie renouvelable, l’agriculture durable et l’apprentissage de la non-violence. « Comme un paysan qui met la main à la charrue, nous ne voulons pas regarder en arrière. Malgré tout, la lutte continue, mais toujours avec foi, avec amour et avec espérance. »
Gwenaelle Brixius
Pour découvrir en détails le projet Tent of Nations et le soutenir : https://tentofnations.com/
Photo : De passage à Strasbourg en septembre, Daoud Nassar a été invité à rencontrer des représentants de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine avec son vice-président Jean-Luc Sadorge, des délégués de l’Action chrétienne en Orient (ACO), de la Cimade, de l’œuvre d’Orient ou encore de l’association France Palestine Solidarité.
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