
Le 18 mai 2025, la place et l’église du Temple Neuf à Strasbourg ont accueilli le 16e Rendez-vous avec les Religions, organisé par l’association interreligieuse Théodore. Le Nouveau Messager était partenaire de la manifestation.
Ils sont une douzaine de bénévoles à avoir sorti, déplié et installé tables et bancs autour de la scène, sous un soleil radieux. À la pause de midi, autour de Catherine Zuber, présidente de l’association et ancienne conseillère régionale en charge du dialogue interreligieux, je décompte un catholique, une protestante, un bahá’i, une juive, une bouddhiste parmi ceux qui apprécient l’excellent déjeuner préparé par la communauté hindoue. Ce n’est pas tout à fait la tour de Babel, mais on sent ici une curiosité partagée dans une ambiance décontractée.
Bien sûr, le rendez-vous avec les religions ne donne ni dans le syncrétisme, ni dans le relativisme. Chacun ici témoigne de sa foi propre. Le dialogue ne dissout pas les convictions. Il permet en revanche à certains d’avancer dans la précision de leur foi, comme cette bénévole qui me confie avoir changé trois fois de religion : « Mes parents étaient réformés, alors je l’ai été aussi, mais je ne m’y sentais pas tout à fait à l’aise. J’ai d’abord rejoint l’Église adventiste, qui m’a fait progresser dans mes questionnements. Mais depuis, j’ai rejoint la foi bahá’ie. J’aime l’idée qu’il n’y a qu’un Dieu unique, que chaque religion vénère à sa façon. » L’événement n’est pas pour autant une sorte de « marché des croyances ». D’ailleurs, il n’y a strictement rien à vendre sur la place (à part le café et les gâteaux). La gratuité de la rencontre, « Catherine y tient », me confie une autre bénévole.
À un stand, l’ancienne maire de Strasbourg Catherine Trautmann s’essaie au jeu Théodore : elle lance son dé, fait avancer son pion, tire une carte : « Mariée vers 623, on me dit la femme préférée du prophète. Qui suis-je ? » On appelle à la rescousse un ami musulman. D’autres cartes invitent à identifier des lieux sacrés du monde entier. « Ce n’est pas si facile. Le jeu permet de se rendre compte de tout ce qu’on ignore », me glisse une bénévole. L’hôte des lieux, le pasteur Rudi Popp, préside une des associations exposantes : le Pont, qui organise des cafés des religions. Des moments conviviaux qui s’adressent à des groupes constitués (adolescents ou adultes) dans le but de les faire réfléchir à différentes questions et de leur apprendre à argumenter sans leur avoir proposé un exposé.
Connaissance mutuelle et dialogue
La manifestation s’inscrit plus largement dans le printemps des religions, qui rassemble sous un même nom une dizaine d’événements initiés par différents cultes (musulmans, juifs, orthodoxes, etc.) qui se déroulent entre mai et juin. « L’association Théodore promeut le dialogue et la connaissance mutuelle, qui construit la paix. Dans le contexte de tension actuel, c’est essentiel », me confie Catherine Zuber. Dans l’église, une des trois expositions rassemble des dessins d’enfants sur le thème « dessine-moi la paix ». Sur la place, les stands permettent de laisser un message de paix, ou d’écrire le mot « paix » sur des galets dans toutes les langues. Lors du débat qui a clôturé la journée, les représentants de six grandes religions et des collectivités* ont évoqué la devise de la République française, « liberté, égalité, fraternité ». Liberté de culte, bien entendu ; et égalité ou peut-être équité qui reposent sur la connaissance mutuelle et le dialogue… fraternel. On a évoqué également la chance offerte par le régime local des cultes qui institutionnalise le dialogue interreligieux, et permet à la foi d’exister de manière plus assumée dans le débat public et dans la vie quotidienne. Une jeune femme, au premier rang, au moment des questions, a interpelé les orateurs : « Personne n’a parlé d’amour. Or n’est-ce pas ce qui nous rassemble le plus ? » En effet : s’écouter, se respecter, se faire de la place, s’assumer, s’interroger, se découvrir… En religion comme en amour, tout commence par un rendez-vous, et dure grâce au dialogue…
Pierre Marchant,
directeur du Nouveau Messager
* Michèle Dale (temple zen de Weiterswiller), Isabelle Gerber (présidente de l’Uepal), Philippe Ichter (Collectivité Européenne d’Alsace), Jean-Luc Liénard (Vicaire général du Diocèse de Strasbourg), Clément Milewski (association cultuelle Bahá’ie), Prakash Reedoy (association cultuelle hindoue Bahkti Mandir) Mostapha Sadki (Grande Mosquée de Strasbourg), et Jean Werlen (Ville de Strasbourg)
Le site de l’association : theodore-asso.fr