En admirant la nature, est-ce Dieu qu’on loue ?

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LE COIN DU PHILOSOPHE par Olivier Peterschmitt 

Philon : De nouvelles formes de spiritualité se développent, qui remplacent les anciennes religions. L’éco-spiritualité essaie de nous faire croire que la Nature est l’œuvre bien-aimée du Dieu créateur. Notre vénération pour sa beauté serait une façon de rendre un culte à Dieu. D’autres vont plus loin, en faisant de la Terre elle-même notre sol nourricier et notre déesse-mère. Pourquoi continuerait-on à louer Dieu au lieu de louer la nature ? Sans elle nous ne serions rien, alors que de Dieu nous ne savons rien, même si nous imaginons lui devoir tout, y compris la terre. 

Socrate : Notre rapport à la nature a en effet été éclipsé par les sécurités de nos techniques et la construction d’un monde artificiel. Ce monde humanisé nous a servi de paravent ou d’écran, au point que nous avons entièrement désacralisé la nature. Pourquoi adressons-nous une prière à Dieu, avant un repas, au lieu de l’adresser à ceux qui ont cultivé la terre, à la terre qui a fait pousser les végétaux, aux animaux qui meurent pour nous donner la vie ? Il y a là une erreur d’aiguillage lourde de conséquences. Nous payons cet oubli de la nature, dont aucun Dieu ne nous
sauvera. L’heure est bien à une conversion de tout notre être, pour prendre conscience de notre grave faute à l’égard de la nature, afin de mériter son pardon et pour retrouver le sens de sa splendeur à laquelle doivent aller nos louanges.

P : Mon sentiment est que même cela est désormais impossible. La nature a été désenchantée par la science. Même si nous voulions la diviniser, nous n’y parviendrions pas. Le charme est rompu puisque nous évoluons dans un environnement dont nous comprenons rationnellement les lois et qui n’abrite plus des esprits ou des âmes vénérables. Le grand Pan est mort : ne faisons pas semblant de pouvoir continuer à l’adorer. Notre admiration pour la nature sera encore esthétique : elle ne sera plus jamais religieuse.

S : Les romantiques parlaient de Dieu-Nature et voyaient juste. Si nous admirons la nature, c’est parce qu’elle est belle et chargée de désir. En elle, nous percevons la manifestation du désir et de la conscience. Albert Schweitzer, tout pasteur et théologien qu’il fût, a entendu les cris de la forêt tropicale et ceux des hippopotames, comme s’ils lui adressaient un commandement. La vie dit « oui » à elle-même, elle s’approuve, elle veut vivre. Comment pourrions-nous ne pas entendre le jugement qu’elle prononce sur notre surdité à son désir ? Elle en appelle à notre souci et à notre honte : non devant le Dieu qui « vient pour juger la terre », mais devant la Terre-Dieu qui vient juger nos idoles faites d’or et de lithium et qui ne poussent aucun cri de joie.

 

LE COIN DE LA PSY par Arlette Haessig

Le printemps est revenu, avec lui le plaisir d’observer et d’admirer la nature qui se réveille. Le soleil qui plonge à l’horizon, les fleurs aux arbres, le vent chaud et doux, le chant des oiseaux. Dans ces moments, nous nous sentons plus heureux et moins moroses, c’est un peu comme si la vie reprenait. La recherche a montré que l’exposition à la nature est associée à un grand nombre d’effets positifs : production de sérotonine et réduction du stress, augmentation des émotions positives, diminution de la fatigue, amélioration de l’attention, guérison plus rapide… Pour sentir tous les bénéfices d’un lien fort à la nature, il ne suffit pas d’y passer plus de temps. Elle n’aurait alors qu’un rôle de décor ou d’agrément. Admirer la nature c’est lui accorder une attention particulière, se mettre davantage à son écoute et se reconnecter à elle. L’admiration est un sentiment, nous la ressentons lorsque nous découvrons quelque chose qui est hors du commun. Selon Christophe André, psychiatre, « l’admiration est une expérience à la fois émotionnelle, car il est agréable d’admirer, et elle est aussi motivationnelle, car elle pousse à l’action ou au changement personnel ». En fonction de notre histoire, de notre sensibilité, nous pouvons admirer la nature pour des raisons esthétique, religieuse, spirituelle ou philosophique. Certains observateurs seront poussés à plus de respect et plus d’engagement envers elle en la protégeant et en prenant soin d’elle. D’autres pourront la percevoir comme un lieu de beauté, de sacré, comme si elle était l’œuvre d’une entité supérieure ou l’œuvre de Dieu. Croyants ou athées, la contemplation de la nature peut faire naître en nous un sentiment d’être relié à plus grand que soi. Pour le croyant, la nature donne des indices sur le Créateur. Pour lui, elle est l’œuvre de Dieu, elle parle de Lui avec abondance et éloquence : « les cieux racontent la gloire de Dieu et l’étendue manifeste l’oeuvre de ses mains »(Psaume 19). Admirer la nature et louer Dieu sont étroitement liés pour le croyant. Contempler, se laisser traverser par l’admiration peut faire émerger la gratitude et la louange. En effet, admirer la Création amène ce dernier à l’admiration du Créateur. À travers la Création, il pourra discerner des attributs de Dieu, sa sagesse, sa gloire, sa bonté, sa fidélité, sa bienveillance… L’admiration nourrit et enrichit donc la louange. Sans ce sentiment qu’est l’admiration et sans la reconnaissance, une attitude du cœur, la louange serait vide et sans consistance.

 

LE COIN BIBLIQUE par Caroline Ingrand-Hoffet

« Que les arbres des forêts poussent des cris de joie devant le Seigneur, car il vient pour juger la terre. »
1 Chroniques 16, verset 33

Au moment où j’écris ces lignes, les arbres gorgés de sève crient leur joie en déployant leurs feuilles et en dispersant leur pollen à tout vent. Chaque année, les arbres sortent de leur sommeil hivernal et nous redisent la vie plus forte que la mort. Peut-être certains d’entre vous ont-ils vu le magnifique film documentaire Le chêne, de Michel Seydoux et Laurent Charbonnier (2022), qui raconte la vie des habitants d’un chêne, du balanin au geai en passant par la grenouille, le mulot, l’écureuil, la fourmi… « La nature n’est pas immuable, c’est une dynamique », dit un des scientifiques, conseiller sur le tournage du film. Pourtant, tout y semble immuable, à commencer par le héros du film, le chêne vieux de 210 années… Ce documentaire nous invite à interroger l’équilibre subtil de cet arbre, et à travers lui de la nature. L’observation, la contemplation font partie de la relation à la nature que la Bible nous enseigne. Mais quelle réaction déclenchent-elles chez nous : « La nature est plus forte que l’homme. Je peux faire ce que je veux, de toutes façons ce n’est pas moi qui vais la déstabiliser. » Ou bien encore : « C’est trop tard, la planète est foutue, personne ne peut plus rien y changer. » Entre ces deux réactions opposées, la coexistence de force et de vulnérabilité peut- elle nous guider ? Que peut nous apprendre cette beauté toujours renouvelée malgré la fragilisation à laquelle nous participons ? Le verset de 1 Chroniques 16 dit : le monde reste ferme et inébranlable. La Création est immuable, forte et stable. Mais elle est tout autant dynamique, fragile et menacée. Les deux réalités cohabitent. Si nous trouvions une source d’Espérance, précisément dans cet étrange mélange ? La vie humaine comme celle de la planète, repose sur cette dualité, qui peut nous fortifier ou nous déstabiliser. Notre regard doit englober ces deux dimensions de la vie. Si nous en perdons une des deux de vue, notre vie perd son sens.

Prendre sa part

Puis vient l’annonce du jugement, du gouvernement de Dieu sur la Terre, comme le dit notre verset… Quelle est notre attitude face à ce jugement ? Assumons-nous notre part de responsabilité ? Remettre le gouvernement de la Terre entre les mains de Dieu n’est pas une manière de se dédouaner ou de déclarer forfait. Au contraire. De manière positive, c’est accepter de nous décentrer. Nous ne pouvons pas continuer à nous voir, nous humains, comme le centre du monde à sauver à tout prix, ou comme les sauveurs du monde. Ce serait dans les deux cas, faire courir la planète à sa perte, et l’humanité avec. En 1 Chroniques 16, verset 35, la demande exprimée à Dieu est : rassemble-nous. Puisse Dieu nous aider à nous rassembler intérieurement. Accepter qu’en chacun de nous coexistent force et fragilité, vie et mort, création et destruction.
Puisse Dieu nous rassembler avec la nature qui nous émerveille et dont nous dépendons. Puisse Dieu nous donner de nous percevoir comme des chênes, qui poussent des cris de joie devant le Seigneur, avec humilité et responsabilité.

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