Dans l’épreuve, une certitude est-elle possible ?

 Un verset biblique, une question et trois points de vue : philosophique, psychologique et biblique 

  • Le coin du philosophe par Olivier Peterschmittfarid-askerov-F1uKnHlRzDc-unsplash.jpg

Philon : Que veut-on dire en parlant d’« épreuve » ? Si ce mot m’irrite au plus haut point, c’est parce qu’il porte la marque de la superstition. On suggère par lui qu’il faut passer une sorte d’examen. Comme si le grand maître de la vie chargeait l’écolier que je suis de réussir son épreuve qui le sélectionne pour de nouvelles responsabilités. On fait mieux de renoncer à tout ce qui suggère que la vie est un test visant à éprouver notre mérite.

Socrate : L’existence doit se mesurer à une réalité qui lui résiste et chercher à éprouver son courage. J’entends dans ce mot bien plus l’émotion de celui qui ressent que sa volonté ne peut pas tout lorsqu’elle se heurte à la dureté des choses et rencontre une adversité dont elle aurait voulu se passer. C’est l’heure de vérité. Les anciennes certitudes craquent ; que restera-t-il ?

Philon : Il y a toujours quelque chose de présomptueux à lancer, comme Job, des « Je sais bien, moi, que mon Rédempteur est vivant ». C’est une sorte de bravade ou d’autosuggestion. On se raconte une telle histoire parce qu’on mourrait de la conscience claire du fait que notre sort n’intéresse pas le ciel.

Socrate : Pourtant les images mythiques peuvent être de puissants auxiliaires pour traverser l’épreuve. La représentation qu’on se fait de la présence d’un dieu, de son écoute de notre prière, de son attention à notre souffrance, permet d’échapper à un sentiment d’extrême solitude. C’est un remède puissant pour qui peut s’abandonner à de telles images.

Philon : Je vois dans ces images religieuses le refuge des faibles et des impuissants. Je n’ai plus l’âge d’y croire. Ne faut-il pas apprendre à grandir, à sortir de l’enfance en regardant en face notre condition ?

Socrate : Il appartient à chacun de se composer son credo face au grand vide de la mort, face à la souffrance et à l’absence. Les natures philosophiques ne recourent pas à l’imagination mythique. Partant du savoir du non-savoir, elles accèdent pourtant, pour beaucoup d’entre elles, à une foi. La foi philosophique est confiance sans image en l’élan de vie qui sait déjouer les obstacles de la matière et de la mort, confiance sans image en la substance divine en laquelle rien n’est jamais perdu ni anéanti, confiance sans image en l’éternité de l’âme qui a brillé, unique, en l’être aimé. Qu’importe la voie choisie, imaginative ou spéculative. Ce qui importe est la lutte toujours recommencée contre le désespoir qui est, lui aussi, une croyance, mais une croyance au néant et à l’absurde. Cette lutte ne prendra jamais fin. Elle est le chemin douloureux de nos vies finies, visitées par l’amour et par l’angoisse.

 

  • Le coin du psy par Raymond Heintz

C’est une zone grise, entre chien et loup, où le vivant se retire à pas feutrés du corps de chair, où le proche, le Nebenmensch, disparaît de notre horizon.
C’est une forêt épaisse, moite, qui ne laisse plus filtrer aucun rayon de soleil. Juste une lumière diffractée, faible, évanescente : l’espace d’un instant, un éclat dans la pupille, un fragment de regard dans un œil couleur de terre, des lèvres qui dessinent une ombre de mot, un fantôme de sourire... Était-il (elle) encore là, avec nous, ou l’avons-nous fantasmé ? Qui a accompagné un proche dans son dernier souffle de vie connaît ces instants.
Mais nul besoin que la grande faucheuse ouvre le bal, que la maladie ou l’accident labourent nos chairs, ou celles d’un proche, pour que nous fassions l’expérience d’être noyés dans un épais brouillard. Le jeune enfant qui doit quitter mère ou père au seuil de l’école, l’étudiant fébrile devant l’examen, ou qui repousse sans cesse le moment de conclure son cursus, des amoureux qui se déchirent, sont aussi dans le temps de l’épreuve.
Ce temps est un temps de rupture dans le continuum de nos vies, un temps où notre besoin de stabilité est malmené par l’approche d’un temps nouveau, qui nous laisse démunis. L’épreuve est expérience de séparation entre l’avant, peuplé des certitudes de nos habitudes, et l’après, temps à venir, encore incréé, page vierge, dans lequel pulsions de vie et pulsions de mort s’entremêlent, s’entrechoquent. Comme une résurgence, à notre échelle, du tohu-bohu initial, celui raconté dans la Genèse.
L’épreuve est un saut : il n’y a pas de contigüité entre un bord et l’autre, tout comme le Vendredi saint n’est pas accolé au dimanche de la Résurrection. Quelle que soit la nature de ce saut, dans le cours de nos existences, il y a nécessité d’en passer par l’expérience radicale de l’inconnu. Non pas forcément par la mort, le terme de la vie, mais par l’expérience d’un mourir à... ce qui était dans le temps d’avant.
Ce saut ne peut se faire en chaise à porteurs, soutenu par un monde de croyances chimériques, ou phobiques, ou caparaçonné dans des certitudes, pour le dire autrement. Sinon ce ne serait pas un saut... juste une glissade.
Mais il ne s’aborde pas pour autant dans un dénuement total. Le viatique possible est celui d’une promesse, dont la force est sa fragilité même. Des mots, certes oui, mais des mots portés par une parole qui s’est faite chair, dont l’écho résonne au plus profond de notre intimité : « Je sais bien, moi, que mon Rédempteur est vivant, que le dernier, il surgira sur la poussière. »

 

  • Le coin biblique par Hanitra Ratsimanampoka, pasteure

Job19.pngLe livre de Job nous interroge sur l’origine du mal et la justice de Dieu (Leibniz tentera de justifier la bonté de Dieu en dépit de l’existence du mal, c’est ce qu’on appelle la théodicée).
Comment expliquer l’abîme de souffrance dans lequel est plongé Job (qui a tout perdu : enfants, richesses, santé) s’il n’a pas commis le mal qui aurait attisé la colère de Dieu ? Cette théorie de la rétribution (le mal subi est la conséquence du mal commis) est bien présente dans l’esprit des trois amis de Job, comme dans celui de beaucoup de nos contemporains malheureusement. Or, Job n’a rien fait.
Alors, il crie dans la solitude sa révolte devant l’incompréhension de ses amis et devant un Dieu silencieux face à ses malheurs, supplications et prières. Dans cette situation, le sentiment d’impuissance et d’injustice envahissent l’être tout entier. Pour ne pas sombrer, on cherche alors à donner un sens à la souffrance et une orientation à notre avenir. Mais le malheur a-t-il seulement un sens et dans quelle direction nous oriente-t-il ?
Ces dernières décennies, les technologies modernes ont fait croire à une possible éradication de la souffrance. Ce chemin-là nous promettait d’espérer que les progrès scientifiques et quelques bons produits chimiques supprimeraient nos tourments. L’autre chemin, plus rocailleux, nous montre que le temps de la vie n’est jamais sans épreuve mais l’élaboration de la résilience (force morale de celui qui ne se décourage pas et ne se laisse pas abattre) nous permet de reprendre la route malgré tout. La vie nous oblige parfois à renoncer à tout raisonnement et à toute justification, à renoncer à vouloir absolument tout expliquer et à lâcher prise en remettant tout à la grâce de Dieu.

La confiance demeure

Job cherche une réponse dans un ailleurs qui lui échappe mais il ne reprochera rien à Dieu. Il continuera à mettre toute sa confiance en Lui. Il va confesser sa foi à ses amis en disant : « Je sais bien, moi, que mon Rédempteur est vivant.» Le Rédempteur est celui qui libère (du mal et du péché), qui remet debout. Job va s’appuyer sur lui. Il espère en celui qui le maintient dans sa puissante main, qui le restaure dans sa dignité d’Homme, qui met du baume sur ses blessures. Dieu va finir par lui parler.
À travers l’histoire de Job, nous comprenons que Dieu ne nous met pas à l’épreuve, mais il ne peut pas empêcher ni la maladie, ni la souffrance de nous atteindre. Il nous aime tels que nous sommes et nous assure de sa présence. Il attend de nous, non pas un acte méritoire pour trouver grâce à ses yeux, mais une réponse à son amour reçu.
Lorsque la souffrance dépasse l’entendement, il est plus facile d’abandonner la foi parce qu’on n’est plus sûr de rien, on est perdu. Mais, la suite de l’histoire de Job nous invite à un lendemain plus radieux. Le Christ, non plus, n’a rien fait de mal mais il a souffert et il a donné sa vie pour nous. Alors, dans les moments de souffrance, si nous n’avons pas la force de nous relever, il nous relèvera sans se lasser, et nous dit : Confiance, je suis avec et près de toi.

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