Comment guérir du rejet ?

 Un verset biblique, une question et deux points de vue : philosophique et biblique

 

  • Le coin du philosophe par Olivier Peterschmitt

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Philon
 : Il y a une certaine mystification religieuse qui consiste à calmer l’angoisse des personnes faibles, en leur faisant miroiter qu’elles seront accueillies par Dieu. Cela confirme le soupçon de Nietzsche selon lequel Dieu est le refuge des faibles. Sur le plan psychologique la chose peut d’ailleurs être efficace. Du moment qu’on croit qu’on n’est pas rejeté, on a plus de chances de s’accepter. Jésus disant « Celui qui vient à moi, je ne le rejetterai pas » a su canaliser les frustrations de millions de névrosés qui aujourd’hui encore s’adressent à lui comme à un guérisseur et obtiennent souvent des résultats honorables. Il n’en reste pas moins qu’on peut aussi le dénoncer comme une illusion de la conscience.

Socrate : Il me semble que Jésus accueille une personne rejetée en son propre nom. C’est un engagement risqué et généreux qui invite à une expérience bien plus qu’à une croyance. Lorsqu’un Denis Mukwege dit, aux victimes des violences de guerre commises au Congo, qu’il ne rejettera pas celui ou celle qui vient à lui, il devient un de ces grands chamanes ou guérisseurs qui, à travers les siècles, réparent les corps et les âmes. Je ne vois pas en quoi consiste la mystification, si cette promesse est tenue avec une compétence médicale et une compassion en acte.

Philon : La guérison passe certes par des personnes bien intentionnées. Mais lorsque les bourreaux ont le pouvoir de commettre des violences, à quoi bon faire appel aux bonnes volontés ? Il faut des changements politiques bien plus que des actions éthiques. Même un bienfaiteur se rendra compte qu’il œuvre en vain, si on ne remonte pas aux causes qui se trouvent dans la violence de l’exclusion et de l’oppression. C’est de combattre les malfaiteurs qui est efficace, plutôt que de se soucier d’abord de leurs victimes. On ne doit pas traiter comme une maladie ce qui est un mal, fruit d’une injustice qui appelle de notre part une opposition. La question est moins « comment guérir du rejet ? » que « comment neutraliser et sanctionner l’auteur du rejet ? ».

Socrate : La force de la justice est nécessaire à la reconstruction de soi. Mais elle ne saurait suffire, parce que le rejet a dégradé chez la victime l’estime de soi et la possibilité de s’aimer. Pas plus que ne suffit le fait de s’entendre dire qu’on ne sera pas rejeté. Car même le soin, compris comme acte de guérison, réifie la personne, traitée comme un malade. C’est seulement d’exister dans une conscience aimante en étant reconnu dans sa dignité de sujet, qui permet de surmonter le traumatisme d’avoir été réduit à l’état d’objet. Il n’y a donc que l’amitié, comme relation d’égal à égal, et non de soignant à soigné, qui puisse nous guérir du rejet. 

 

  • Le coin biblique par Bernard Guillot, directeur du Nouveau Messager

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Toute sa vie, Jésus a été face à des femmes et des hommes, des jeunes et des aînés, des gens malades et des bons vivants, des mendiants et des riches... Il a marché au cœur de notre humanité. La célébration de Noël permet de remettre cela en perspective, soulignant sa volonté de se rendre proche de chacune et de chacun de nous, de vivre comme nous et de connaître nos réalités. Homme parmi les hommes. En cela, Jésus a tracé un itinéraire pour qui veut marcher à sa suite, le suivre, lui ressembler.

Certaines de ses paroles peuvent cependant nous mettre mal à l’aise, les uns ou les autres. Comme quand il déclare, sans sourciller visiblement, qu’il accueillera toute personne qui viendra le voir. D’une affirmation simple et sans fioriture. Si quelqu’un s’approche de lui, Jésus le reçoit ! C’est clair, c’est net et c’est sans bavure. Les récits de sa vie parmi les femmes et les hommes de Palestine de son temps le démontrent sans artifice : un pêcheur, une femme prostituée, des enfants, un collecteur d’impôts, un riche jeune homme, un général militaire, des hommes religieux, des soldats qui le crucifient… Sans relâche, Jésus se rend disponible, se met à l’écoute et adresse une parole qui vient faire sens dans l’existence de celles et de ceux qui sont venus le voir. Quel exemple ! Quel modèle ! Quelle source d’inspiration ! Sans doute.

Pourtant de telles dispositions relationnelles et humaines m'interpellent, alors que je souhaite suivre ses enseignements. À deux niveaux, au moins.

Dans un premier temps, au niveau de mes actes et de mes attitudes. Combien de fois n’ai-je pas pris ce temps nécessaire pour un tel ? Combien de fois ai-je trop parlé sans me soucier de l’autre ? Combien de fois n’ai-je pas eu cette parole de réconfort, de soutien ou de bienveillance ? Et la réponse à toutes ces questions ne peut se résumer à mon agenda trop chargé ou bien à mon engagement dans l’Eglise ou ailleurs. Chacune et chacun de nous peut s’interroger sur cet aspect-là, en lien avec ses propres convictions.

La deuxième réalité qui vient à me troubler est celle de ce « standard » que Jésus pose à la vue de toutes et tous. La barre est haute : peu importe qui vient, ici l’accueil est garanti. Mieux même : personne n’est rejeté ! Pas même celle qui ne vit pas comme moi, celui qui n’a pas la même culture, ceux dont la foi n’est pas la mienne… C’est du lourd, ce que Jésus déploie. Même résultat pour celui dont la peau n’est pas comme la mienne, ou pour celle qui vient d’une autre culture : « si tu viens à lui, il ne te repoussera pas ! » Oui, mais cela est possible pour lui car c’est Jésus ! Pour moi, les choses sont, si souvent, plus difficiles car je ne suis pas Jésus. « Heureusement car, si je l’étais, je devrais aussi accueillir et ne repousser personne, sans faire de distinction, de tri ou de préférence ! » Et je ne le souhaite si souvent pas.

L’année 2022 est sur le seuil. Elle va nous mener sur de nombreux chemins complexes. Entre la crise sanitaire et des élections. Pourrons-nous marcher dans les traces de Celui qui est venu vers nous et vivre en témoins de son projet pour toute l’humanité ? Nous risquerons-nous à accueillir celle et celui qui vient ? Oserons-nous cette parole d’accueil ? Face à tous ces défis devant moi, je ne vois qu’une issue : aller vers Celui qui m’accueille, comme je suis, sans me juger et sans me rejeter.

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