
La Communion des Églises protestantes en Europe (CEPE) se mobilise sur le thème « Église et démocratie ». C'est sur ce même thème que la Commission des Affaires Sociales, Politiques et Économiques de l'Uepal proposera dès l'automne 2025 différents événements. Explications par Isabelle Gerber, présidente de l'Uepal.
C'est indéniable, la démocratie se trouve grandement fragilisée dans le monde entier. Des régimes totalitaires la remplacent, même là où on la pensait bien ancrée. À côté de l’urgence climatique, s’invite l’urgence démocratique. Il nous faut panser et repenser notre vivre ensemble. L’Église n’a pas toujours défendu la démocratie. Elle a longtemps brillé par le mode autoritaire cherchant à réguler la vie des gens. Aujourd’hui, l’Église s’essaie à la synodalité, cultive l’attention aux précaires et renoue, ce faisant, avec le cœur de l’Évangile. L’affirmation de l’égale dignité de chaque être humain est un outil puissant face aux dictatures. En prônant le service et la solidarité, l’Église est instrument de justice et de paix.
Placer sa confiance en Dieu dans des temps troubles est un acte militant. Les discours de haine portés par les partis extrémistes s’inspirent du discours religieux, faisant de la foi chrétienne un enjeu d’identité contre des populations et croyants d’autres horizons. Quand les repères s’estompent, certains cultivent la nostalgie de l’ordre, sont tentés par l’autoritarisme et la figure charismatique d’un leader, d’une idole.
La paresse intellectuelle adhère aux solutions miracles. Exclure les étrangers suffirait à redresser la morale et l’économie. Ces thèses reposent sur l’ignorance et traduisent l’incapacité, pour beaucoup, de faire face à la complexité du monde.
Dire et parler
Être disciple du Christ signifie, plus que jamais, créer du lien et déconstruire les mécanismes de désignation du bouc émissaire. Les armes rhétoriques du débat politique font déjà des victimes. Dans les esprits s’installe l’idée que les étrangers, les personnes qui sortent de la norme sont à l’origine de tous les dysfonctionnements de la société.
La démocratie n’est pas une fin en soi, ce qui importe c’est de promouvoir des modes de gouvernance qui garantissent un vivre ensemble pacifique. Critiquer ceux qui gouvernent est facile. Acceptons de prendre notre part dans la manière de construire le quotidien, dans notre ville, dans notre pays, dans notre paroisse. S’engager c’est résister à la spirale du fatalisme et de l’inaction.
Il ne s’agit ni de vénérer ni de sacraliser la démocratie. Elle est faillible. Nous la défendons parce qu’elle fait place à l’altérité et a le souci de limiter son propre pouvoir. Les mandats des élus sont limités dans la durée, le débat contradictoire y est bienvenu. L’état de droit organise lui-même les contre-pouvoirs, gage de pluralisme, de justice et de liberté. Les thématiques sécuritaires pullulent et l’on sent bien que l’Europe n’est pas à l’abri d’un conflit armé. Un kit de survie sera envoyé prochainement aux citoyens français pour acquérir les bons réflexes en cas de pandémie, catastrophe naturelle ou conflit majeur. L’argent, en France et dans les pays qui l’entourent, va être injecté massivement dans la défense. Qu’avons-nous à dire ? Si ce n’est qu’investir dans l’école, la jeunesse et le social est un facteur majeur d’apaisement.
Face à l’angoisse, l’insatisfaction et le ressentiment qui nourrissent le vote extrémiste, nous avons, en tant que chrétiens, des atouts considérables à partager : la joie imprenable d’enfants qui se savent aimés de Dieu tels qu’ils sont, l’appel incessant à ne pas céder à la peur et l’espérance d’un Dieu plus fort que toutes les puissances à l’œuvre dans le monde.
Nous ne nous tairons pas parce que nous sommes héritiers d’une Parole qui invite à choisir la Vie.
Les gens qui se laissent séduire par des discours simplistes expriment leur désarroi, leur sentiment de ne pas être écoutés, leur sentiment de dépassement et d’abandon face à la multiplicité des enjeux. Offrons des gestes, des mots, des espaces communautaires pour accompagner nos contemporains dans l’accueil de la complexité du vivant et de la société. Notre défi majeur, dans un monde individualiste exposé aux dimensions planétaires, est de réenchanter le sentiment d’appartenance au même monde, de contribuer à l’élaboration du tissu social. Apprendre à coudre, recoudre, en découdre, patiemment, joyeusement, avec ce qui nous est donné.
Il s’agit, ni plus ni moins, de réapprendre à faire monde commun et de confier notre avenir au Dieu de Jésus Christ qui nous dit : « Que votre cœur ne se trouble pas. Croyez en Dieu, croyez en moi » (Jean 14, verset 1).
Isabelle Gerber, présidente de l'Uepal