Une Église de l'Espérance

En Ukraine, où les bombardements et l’exode redessinent le quotidien depuis bientôt quatre ans, les Églises protestantes, se mobilisent pour soutenir une population éprouvée. Accueil des déplacés, aide aux familles, accompagnement des personnes âgées : au coeur de la guerre, les paroisses tentent de maintenir des repères et de préserver l’essentiel. Témoignage d’Alexander Gross, pasteur à Odessa.

La vie en Ukraine n’a aujourd’hui rien de facile. Presque chacun affronte les mêmes épreuves. Le premier, le plus pressant des problèmes, tient à la dégradation des conditions de vie provoquée par les fréquentes coupures d’électricité. Ces dernières semaines, en raison de frappes visant les postes électriques reliant les centrales nucléaires au réseau, le courant a été coupé de dix à quatorze heures par jour. Cela entraîne des pénuries d’eau, de chauffage, et parfois même de réseau téléphonique. Beaucoup ne peuvent plus travailler à plein temps ; la production diminue, les prix montent. À cela s’ajoute la peur constante, le stress provoqué par les bombardements réguliers de missiles et de drones. La santé physique et psychique des Ukrainiens, leur sommeil, leur motivation en sont profondément affectés.

Et pourtant, la vie continue. Les gens tentent de vivre le plus normalement possible. Les enfants vont à l’école, les adultes au travail. Certains jours, les sirènes d’alerte retentissent jusqu’à dix fois, parfois quinze ou seize heures d’affilée. Mais beaucoup finissent par les ignorer.

Dans nos paroisses, nous avons connu une grande vague de départs : jusqu’à 80 % des fidèles ont quitté leur communauté. Mais les églises se sont aussi rapidement remplies à nouveau, notamment grâce aux personnes déplacées à l’intérieur du pays. Nos paroisses ont toujours été très actives dans divers domaines, mais notre mission se concentre désormais avant tout sur le soutien social et spirituel de la population. À Petrodolynske, près d’Odessa, nous avons ouvert un centre d’accueil pour les réfugiés. En trois ans, la plupart sont devenus des membres actifs de la communauté et participent à de nombreux projets sociaux. Nous leur offrons non seulement un toit, mais aussi une vie d’Église et un travail. Nous accompagnons les enfants de familles défavorisées et soutenons les personnes âgées vivant sous le seuil de pauvreté. Nous envoyons de l’aide aux soldats et aux blessés hospitalisés. Dans nos paroisses, chacun s’emploie à aider les plus vulnérables.

Aider pour ne pas perdre son humanité

Cette démarche est née du besoin d’aider non seulement les autres, mais aussi nous-mêmes. Dans une atmosphère de peur et de haine, il est si facile de perdre son humanité. Nous ne voulions pas devenir semblables à ceux qui sont venus à nous avec haine. C’est pourquoi nous parlons des dangers d’une vie gouvernée par la haine, du risque de perdre nos valeurs chrétiennes. Nous refusons de laisser la haine s’installer dans nos cœurs. Les fidèles participent aux offices, à des études bibliques, à des parcours de foi, à des séminaires et s’engagent activement auprès des plus démunis. Des milliers de personnes autour de nous expérimentent concrètement l’amour de Dieu.

En vivant ainsi, nous demeurons étroitement liés à Dieu et nous ne perdons pas l’Espérance. Au contraire, nous remplissons notre vie et celle de beaucoup de personnes autour de nous d’espérance. Nous construisons des aires de jeux. Nous distribuons de la nourriture aux malades et aux pauvres. Nous fournissons denrées, médicaments, vêtements, chaussures et bien d’autres choses. Nous nous efforçons également d’acheminer du mobilier venu d’autres pays vers des écoles et des jardins d’enfants, afin d’améliorer les conditions d’apprentissage. Nous mettons tout en œuvre pour permettre à chacun de survivre en temps de guerre. Le soutien aux personnes âgées isolées en hiver nous tient particulièrement à cœur. Avec des retraites de 60 à 70 euros par mois, beaucoup ne peuvent ni se loger, ni se nourrir, ni s’acheter des médicaments. Leur taux de mortalité triple en hiver. Nous travaillons donc à ouvrir de petits centres d’hébergement d’urgence pour la saison froide.

Nous savons que des temps difficiles nous attendent après la guerre. En raison de la crise démographique, il sera extrêmement difficile pour l’État de verser les pensions et de reconstruire les infrastructures. Quant aux réfugiés, leur retour prendra beaucoup de temps : leurs villages dans la région de Kherson sont entièrement détruits, et la terre y est jonchée de mines et d’obus. Nous sommes réalistes ; nous ne vivons pas dans l’illusion d’une amélioration rapide des conditions de vie. Nous œuvrons à des projets de long terme, capables non seulement de nourrir, mais aussi d’offrir une nouvelle vie et un avenir. L’un de ces projets est la reconstruction de l’ancienne église de Novogradkiwka. Le bâtiment doit être rénové sur trois étages et accueillera une paroisse, une cuisine communautaire, un centre pour enfants et un refuge hivernal pour les personnes âgées. Nous invitons chacun à devenir acteur de ce projet d’espérance : la reconstruction de l’Église de l’Espérance !

Qu'ils rougissent de honte, ceux qui cherchent ma mort ;
qu'ils reculent déshonorés, ceux qui désirent mon malheur !
Qu'ils repartent sous le poids de la honte, ceux qui font : « Ah ! ah ! »
Qu'ils exultent de joie à cause de toi, tous ceux qui te cherchent !
Qu'ils disent sans cesse : « Dieu est grand », ceux qui aiment ton salut !
Psaume 70, 3-5

Alexander Gross,
pasteur et président du Synode de l'Église évangélique luthérienne allemande d'Ukraine

L’Église évangélique luthérienne allemande d’Ukraine a rejoint la Fédération luthérienne mondiale en 2022. Elle compte environ 1000 fidèles répartis sur 24 paroisses. Dès l’invasion de leur pays par les troupes russes, ses responsables appelaient à « prier non seulement pour la paix, mais pour une paix juste, dont le but n’est pas seulement l’expulsion de l’agresseur de notre pays, mais aussi la juste punition de son crime. Mais tant que ce ne sera pas le cas, nous appelons toutes les personnes aptes au service militaire à participer à la défense de notre pays et tous les autres à vous aider, vous et les personnes dans le besoin. »
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