matthew-brodeur-qcCPIhhdgTw-unsplash.jpgLe cannabis, éternel tabou ?

La France est le pays comptant le plus de consommateurs de psychotropes en Europe. Chez nous, dix-sept millions de personnes auraient déjà consommé du cannabis, la drogue la plus utilisée. Véritable sujet de société, le cannabis apparaît banalisé, sans pour autant qu’on en parle librement.

Le 11 avril dernier, le secrétaire d'État Jean-Marie Le Guen relançait à la télé le débat sur la légalisation du cannabis. Pour ou contre, cette question complexe fait encore rage. Si les adolescents et les jeunes adultes constituent le « noyau dur » des consommateurs, c’est l’ensemble de la société qui est invitée à réfléchir à l’usage du cannabis et également à notre rapport aux addictions.

L’usage du cannabis n’est pas à un paradoxe près. Tout d’abord, notre pays compte le plus de consommateurs parmi les pays européens alors que notre loi est la plus punitive : l’usage illicite d’une substance ou plante classées comme stupéfiants est passible d’un an d’emprisonnement et de 3750 € d’amende. (1) Ensuite, sur la santé : « Les études sont nombreuses mais souvent contradictoires » expliquent Francine Gatto et Nicolas Ducournau. Pour la chef de service et le coordinateur des consultations jeunes à l’association strasbourgeoise Ithaque (2), c’est d’abord à l’utilisateur qu’il faut s’intéresser davantage qu’au produit, même si celui-ci est loin d’être anodin. « Le cannabis d’il y a vingt ans n’a rien à voir avec celui d’aujourd’hui. La concentration en THC (3), le principe actif majeur du cannabis, est en général plus élevée de nos jours » rappelle Francine Gatto.

Rendu « plus performant » et souvent plus toxique avec notamment la commercialisation de produits de synthèse sur internet, le cannabis s’est démocratisé. L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies estime entre quatre et cinq millions le nombre actuel d’usagers (4). Un chiffre en progression du fait sans doute d’une plus grande accessibilité des prix et d’un accès plus facile. « Pas un collège ou un lycée de n’importe quelle ville ou milieu ne connaît pas ce problème » d’après la chef de service d’Ithaque.

Faut-il pour autant diaboliser le cannabis ? Privilégier le tout répressif ? « Le tabac et l’alcool sont deux drogues aussi mais légales » rappelle Francine Gatto qui juge essentiel de faire de la prévention le plus tôt possible. « On ne parle plus de drogue dure ou de drogue douce mais d’usager dur ou doux » analyse Nicolas Ducournau. « L’addiction, c’est la rencontre entre un produit, une personne et un contexte mais plus on commence tôt, plus ça a un impact important », ajoute Francine Gatto. 

Benjamin Bonassi, psychologue clinicien au centre d'addictologie des hôpitaux universitaires de Strasbourg, rappelle que « l’adolescence est la période où on expérimente, on transgresse les interdits. Pour beaucoup, fumer du cannabis est aussi un moyen de relâcher la pression qu’ils se mettent ou d’aider à passer un moment difficile ». Intervenant principalement à la Maison des ados de Strasbourg, le psychologue  retient surtout que les jeunes ont d’innombrables raisons plus ou moins graves de consommer du cannabis. Un jeune qui fume seul dans sa chambre avant d’aller en cours pour se donner de la contenance n’est pas forcément le même qui celui qui fume épisodiquement en soirées avec ses amis. « L’entourage et les jeunes eux-mêmes que je vois en consultation viennent lorsqu’ils se questionnent par rapport à l’addiction et une consommation qui commence à poser problème. Lorsqu’ils se rendent compte que le cannabis prend une place importante dans leur vie, qu’ils délaissent ce qu’ils aimaient faire, que l’envie n’est plus là pour ce qui, jusque-là, les tenait. »

De son côté, Francine Gatto rencontre « souvent des mamans dépassées. Je les encourage à réfléchir ce qu’elles peuvent faire elles-mêmes pour aider et ne pas se contenter de dire à leur enfant : va consulter, tu as un problème. Et si l’ado n’était pas le seul à concentrer le problème ?»

En tout cas, en discuter sans tabou semble être une piste souvent négligée qui permettrait aux adolescents de savoir ce qu’est vraiment le cannabis et discerner le vrai du faux (5).

Fabienne Delaunoy

(1)   Ne pas confondre le cannabis « illégal » et le cannabis thérapeutique (utilisé sous forme d’herbe ou de comprimé) à la fois sur l’usage et la composition. Dans le deuxième cas, une seule partie de la molécule est gardée. Il est cependant très encadré en France et seuls quelques médicaments ont obtenu une autorisation de mise sur le marché.

(2)   Association d’accueil, de prévention et de soins toutes addictions.

(3)   Le Tétrahydrocannabinol est un psychotrope, c’est-à-dire une substance qui agit principalement sur le système nerveux.

(4)   Sur ces 4 à 5 millions, l’OFDT estime à environ 1,2 à 1,6 millions d’usagers mensuels et 500 à 700 000 d’usagers quotidiens. A lire : La synthèse thématique sur le cannabis sur http://www.ofdt.fr/produits-et-addictions/de-z/cannabis/

(5)   A lire : Alcool et autres drogues, le vrai et le faux sur http://www.infordrogues.be

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