
Un moment de ma confirmation m’a marqué : mon pasteur nous interrogeait sur nos connaissances. L’un de nos camarades était déficient intellectuel. Il y eut un moment de grâce : le pasteur lui demanda de réciter le Notre Père (répété depuis des années tous les matins à l’école). Il s’avança, dit la prière et on voyait les efforts qu’il faisait. Arrivé à l’Amen final, l’assemblée était profondément émue et lui-même rayonnait de joie. Nous touchions au cœur du message : une communauté cultuelle, réunie autour du message du Christ, fait d’amour du prochain, et d’acceptation de celui qui était différent. Cependant, un tel message ne se transmet pas par les gênes.
Ce n’est pas un secret : nos Églises luthéro-réformées font face à d’énormes défis. Les appels au renouveau, si besoin était, en sont un signe. Ceux qui prédisaient comme inéluctable la fin de la religion se frottent les yeux : le marché du religieux est florissant dans le monde entier, y compris dans notre Occident sécularisé. Ceux qui prédisaient la fin des Églises multitudinistes se frottent les mains : les chiffres de fréquentation s’effondrent, malgré les efforts immenses de ceux qui veulent sauver ce qui peut l’être.
Le protestantisme passe par une crise : et alors ? N’est-il pas dans son ADN de survivre, en se renouvelant ? Mais comment ? Il n’y a pas de truc, de recette magique et regarder avec envie les Églises qui remplissent leurs locaux avec des recettes spectaculaires est vain. Ces comparaisons n’aident pas. En comparant, nous partageons les travers de notre société où il n’y en a que pour les gagnants. L’individu est souvent écrasé : ne sommes-nous pas entourés de personnes qui se sentent seules et inutiles et qui ont envie de vivre autre chose ? Justement, l’Évangile enseigne autre chose.
Je vois trois points.
Nous devons passer par des deuils : le terme est fort et juste. Je dois renoncer à quelque chose de précieux, qui à un moment donné, a été un point important de ma foi, lié à de beaux souvenirs : un bâtiment, un style liturgique, une forme d’organisation. Passer par un deuil fait mal. Mais cette expérience ouvre sur une vie nouvelle, différente ! Nous devons discerner où nous sommes attendus : chacun a reçu un talent, le champ est vaste, il y a beaucoup de travail pour restaurer la dignité de l’être humain, pour traduire et convertir les langages humains anciens et nouveaux et leur faire dire Dieu et son amour.
Et nous devons vaincre notre timidité, pour habiter, dire nos convictions, et peu importe si c’est de manière maladroite, hésitante ! Il est inévitable que cela nous conduira à nous opposer à ceux qui vivent dans le mépris ou la haine d’autrui.
L’Église et ses membres découvriront alors la réalisation de la promesse faite par le Christ lors de notre baptême : voici, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.
Thomas Wild,
pasteur