Dans la maison des Sœurs à Haguenau, Brigitte Neiss et Catherine Acker épluchent avec attention une des dernières piles des archives de leur paroisse, qu’elles s’attellent à trier chaque semaine depuis près de deux ans et demi.
« Voici des courriers des années 1990 », explique Catherine Acker, vice-présidente du conseil presbytéral. Derrière les deux femmes, les papiers jaunis mis de côté, aux écritures gothiques en allemand, seront les dernières pièces à déchiffrer, avec l’aide d’un professeur d’histoire. En 2019, le grenier de la maison des Sœurs doit être vidé pour des travaux d’isolation. Pour Catherine Acker, pas question de jeter tous les cartons de documents qui encombrent dorénavant l’ouvroir. Cette férue de généalogie a pris goût aux vieux papiers et connaît leur valeur. Elle embarque Brigitte Neiss dans son plaisir de les explorer. « C’est devenu un moment privilégié entre nous », confie aujourd’hui l’ancienne présidente de conseil presbytéral. Elles avancent de pépites en pépites, du livret d’inauguration de la première église de Haguenau en 1860 à l’inventaire des effets personnels perdus par le pasteur après la Seconde Guerre mondiale – il demandait le dédommagement de ses caleçons.
Des textes inspirants
« C’est une traversée du temps et de l’histoire de la paroisse », s’émerveille Catherine Acker. « Nous avons trouvé des lettres de paroisses américaines, suédoises et norvégiennes qui envoyaient des dons à nos enfants après la guerre », s’étonne-t-elle. Les documents comptables dessinent la baisse progressive des financements municipaux au fil des décennies. « On voit que la laïcité a fait son chemin », observe Brigitte Neiss. Les deux femmes ont mesuré le rôle crucial du pasteur allemand Heindorf pour la communauté protestante de la cité. L’aumônier est resté célèbre de par sa villa éponyme, l’une des plus belles de Haguenau. « C’est sa fortune qui a permis la construction de l’église de garnison par les Allemands au début du XXe siècle », apprend Brigitte Neiss. La signature à la plume du bienfaiteur au bas d’un acte de vente a pu être reprise sur la plaque de la nouvelle résidence Heindorf, construite par la paroisse grâce à la vente de sa villa. Les deux femmes n’excluent pas de partager cette riche mémoire avec l’ensemble des paroissiens à travers une exposition. « Cela nous redonne aussi des idées », ajoute Brigitte Neiss, relevant que des paroissiens tenaient un stand de livres au marché de Noël dans les années 1990, ou qu’une garderie permettait alors aux parents de participer aux cultes en toute tranquillité.
Claire Gandanger