
La Fédération protestante de France (FPF) fête ses 120 ans. Elle est née le 25 octobre 1905, en plein débat parlementaire sur la loi de Séparation de l’Église et de l’État votée quelques semaines après, le 9 décembre. En ce début de XXe siècle, le protestantisme français est divisé. Il cherche à s’unir pour porter sa voix dans la société et pour peser dans les débats publics. Aujourd’hui la FPF est toujours cette instance représentative du protestantisme pour les pouvoirs publics et le gouvernement. Dans le préambule de sa charte, adoptée en 2018, elle affirme : « Sachant que l’unité dans la diversité reconnue est un témoignage original et nécessaire dans l’Église universelle comme dans la société, nous voulons l’affermir et l’approfondir entre nous. Chaque Église, Union d’Églises et Institution souscrivant à cette Charte conserve les formulations de la foi, les expressions cultuelles, les formes de présence dans la société et les priorités du témoignage auxquelles elle est attachée. » L’unité dans la diversité.
La laïcité repose sur trois principes : liberté de conscience, séparation des institutions publiques et des instances religieuses, égalité devant la loi quelles que soient les croyances ou convictions. Elle empêche donc toute discrimination et est plus que le « libre de croire ou de ne pas croire ». Drapeaux en berne pour le pape François, port du voile par les femmes musulmanes, crèches dans les halls de mairie… Est-ce vraiment dans les polémiques qui dénonceraient des atteintes à la laïcité que se joue l’essentiel de la loi ? Est-ce que, vraiment, la pratique ou la tenue religieuse de mon voisin bouleverse mon quotidien, remet en question mes convictions ou la personne que je suis ? Le danger n’est-il pas de laisser un intégrisme religieux, philosophique ou politique imposer sa vision, forcément unique, du monde ?
La laïcité est fragile parce qu’elle jongle avec ces différents regards portés sur la société et sur le monde. Elle est à protéger parce qu’il est question ici, certes de liberté, mais aussi de démocratie et de droits humains. Pour Jacques Stewart, président de la FPF de 1987 à 1997 : « L’avenir de la laïcité dépend de notre confiance réciproque, aux uns et aux autres, à comprendre et assumer démocratiquement les enjeux déterminants des problèmes actuels de société. La laïcité est trop souvent comprise comme le cadre de la simple coexistence de communautés culturelles diverses. Or la laïcité doit assurer bien davantage que ce respect de l’altérité et de la diversité. Elle a pour but de servir l’unité de la société. Et cette unité, comprise en termes de solidarité, se construit par le débat entre les familles d’expériences, d’histoire, de mémoire, de références philosophiques ou religieuses différentes. »*
Gwenaelle Brixius,
rédactrice en chef
* Jacques Stewart, La Grâce de croire, Desclée de Brouwer, 1998. Cité in : Histoire de la Fédération protestante de France (1905-1991), de Yves Parrend, thèse de doctorat, 2019.