Un repentir qui en dit long...
GIORGIONE, « Les Trois Philosophes » (1505)
On sait peu de choses de la vie de Giorgione, né en Vénétie vers 1478 et mort de la peste alors qu'il n'avait qu'une trentaine d'années. Sa brève existence ne lui permit pas de laisser de nombreuses toiles, mais il eut comme élève le grand Titien qu’il influença notablement. Ce tableau, un de ses plus célèbres, est traditionnellement intitulé "Les Trois Philosophes".
Qui sont ces trois personnages ? Depuis cinq cents ans, les interprétations se sont multipliées.
La curiosité a été ravivée par les techniques modernes de radiographie qui ont montré que le tableau avait fait l'objet d'un "repentir": le personnage central avait eu dans une première ébauche les traits d'un Africain, et devait donc figurer le roi Balthasar.
Giorgione avait donc eu l’idée première de peindre une Adoration des Mages, thème classique de l’iconographie chrétienne, puis s’était ravisé. Pourquoi ?
Par ce glissement d'un sujet religieux vers un sujet profane, le peintre voulait peut-être suggérer que la science avait détrôné la religion et que c'est elle désormais qui guidait les hommes vers la lumière.
Oui, mais ces savants semblent perdus… Leur science et leurs instruments, leur prétention à maîtriser et à connaître l'univers les a peut-être empêchés de distinguer l'essentiel. Giorgione aurait alors représenté, fort ironiquement, les rois mages des temps modernes, égarés et perplexes, devant une caverne où ils ne discernent rien malgré leur grand savoir ! Il est vrai qu'aucun instrument scientifique ne permet de voir le Sauveur. Aucun compas ni aucune carte n'y mène. Car Dieu s'offre à notre regard intérieur.
Eva Clapiès