Vous avez dit témoins ?
Dans cette rubrique, une personne témoigne de la manière dont sa mission, son métier ou son engagement dit quelque chose du message de l'Évangile.
Selon Kandinsky, « l’art n’est pas une création sans but qui s’écoule dans le vide. C’est une puissance dont le but doit être d’améliorer l’âme humaine ».
Toute création artistique est un partage d’humanité, mais parler de spiritualité dans l’art, comme pour la prière et la méditation, touche à ce qu’il y a d’immatériel dans l’homme, ce que le christianisme appelle le « sacré ». L’art est avant tout une recherche d’authenticité, une fenêtre ouverte sur le mystère où l’artiste est un médiateur, révélant sa sensibilité mystique au monde à travers sa quête de sens et de transcendance.
L’art contribue ainsi à l’élévation de l’âme humaine. À travers le partage de l’œuvre avec le spectateur, l’artiste interpelle ce qu’il a de plus noble en lui : sa dignité, sa conscience et l’amour enfoui dans la profondeur de son être. L’art est une manifestation du monde parce que l’art est dans le monde comme il est, avec sa laideur et sa beauté, sa tristesse, sa joie, sa part d’ombre et de lumière. Si pour le chrétien chaque être humain a une parcelle de Dieu en lui, les artistes, poètes, musiciens et tous les êtres sensibles laissent alors apparaître une partie du divin à l’humanité en recherche de sens et de spiritualité, que ce soit par l’indignation ou dans une attitude d’empathie. Selon le cas, le propos peut alors aussi bien s’exprimer dans la contestation par la laideur, la représentation de l’homme meurtri, torturé, crucifié, écrasé, mettant en contraste et en creux l’évidence d’un manque de beauté, de justice et de fraternité. L’œuvre est alors au service d’une prise de conscience salvatrice avec l’issue possible d’une transformation individuelle et collective. Ce jeu de miroir peut scandaliser ou émerveiller en ce qu’il permet au spectateur d’aller vers son cheminement intérieur propre avec la faculté d’illuminer et de nourrir son être. Les œuvres délivrent ainsi un message d’amour et de paix qui, reliées à la foi, prennent part à l’espérance d’un monde meilleur à travers le langage qui est propre à l’art. En touchant les cœurs et les âmes, l’œuvre prend alors tout son sens messianique et prophétique.
Selon Paul Ricoeur, « l’art pénètre dans le monde de l’expérience quotidienne pour le retravailler de l’intérieur » ou, comme le dit Jean de Loisy, critique d’art : « Dépouille toi de ce qui n’est pas toi afin que ce toi qui demeures quand tu as tout abandonné est ce qui témoignera. » Raisonne en moi alors cette parole de Jésus : « Viens, abandonne tout et suis-moi. » C’est dans cette compréhension que, pour moi, et notamment dans le christianisme, l’art ne représente pas obligatoirement le beau, le décoratif – dans le sens du plaisant, du beau à voir – mais est associé à
une spiritualité incarnée que l’on trouve dans le Dieu fait homme et révélé dans la Bible en la personne du Christ.
Claude Braun,
artiste-plasticien